Analyse confidentielle – Gold & Silver Company
Après un mois d’octobre sous tension, l’or revient à l’équilibre. Deux semaines de consolidation ont suffi à rappeler qu’aucune ascension n’est linéaire : l’once, stabilisée autour de 4 000 dollars, marque une pause après un rally historique de neuf mois. Les marchés parlent de correction ; en réalité, c’est la respiration d’un actif devenu le baromètre planétaire de la confiance.
Un repli brutal, mais pas irrationnel
Entre la mi-octobre et la fin du mois, le métal jaune a perdu environ onze pour cent. La baisse a été brutale, mais pas irrationnelle. Elle s’explique d’abord par un dégonflement technique des positions spéculatives : les fonds à effet de levier, qui avaient parié sur une extension rapide au-delà de 4 200 dollars l’once, ont procédé à des ventes automatiques dès la rupture des supports sur les marchés à terme new-yorkais.
Dans le même temps, le dollar s’est raffermi : la perspective d’un CPI américain à 3,1 % et d’une Réserve fédérale plus prudente a poussé les cambistes à revenir sur le billet vert. Un dollar plus fort pèse mécaniquement sur le prix de l’or libellé en dollars.
Enfin, la détente géopolitique entre Washington et Pékin, l’annonce d’un sommet bilatéral en Asie, a brièvement fait refluer la demande refuge. En somme, la correction résulte d’un triple mouvement : technique, monétaire et psychologique.
Des fondamentaux inchangés
Pourtant, derrière ce repli de façade, la structure du marché n’a pas bougé. Les volumes physiques demeurent stables et la demande des banques centrales ne faiblit pas. Le World Gold Council indique que les institutions monétaires ont acheté près de 200 tonnes au troisième trimestre, portant la projection annuelle entre 750 et 900 tonnes. Même après plus de 3 000 tonnes accumulées en trois ans, la soif de métal des États reste intacte. Ce différentiel, retrait spéculatif sur le papier, achats constants sur le physique, ancre la tendance de fond : la valeur ne quitte pas le métal.
L’optimisme à long terme se maintient
L’optimisme à long terme, lui, n’a pas bougé. À la conférence annuelle de la LBMA, les délégués ont évoqué une cible médiane de 4 900 dollars l’once d’ici fin 2026, soit un gain potentiel d’environ 25 % depuis les niveaux actuels. HSBC, Bank of America et Société Générale partagent cette projection. Le cabinet britannique Metals Focus y ajoute une anticipation parallèle pour l’argent, attendu à 60 dollars l’once en 2026. Pour beaucoup d’analystes, la pause actuelle ne signale pas un essoufflement, mais une zone d’accumulation : l’or reprend son souffle avant de poursuivre sa marche.
La dette mondiale, nouveau moteur
En toile de fond, la dette mondiale a remplacé la peur comme moteur. La dette publique américaine dépasse désormais 38 000 milliards de dollars, soit 1 000 milliards supplémentaires en deux mois, et cela sans crise. Le FMI prévoit que la dette globale atteindra 99 % du PIB planétaire d’ici 2026. Autrefois, la dette inquiétait ; aujourd’hui, elle structure les marchés. Chaque milliard émis alimente le socle de l’or : plus il y a de monnaie, plus la valeur refuge se raréfie. C’est pourquoi, malgré les corrections techniques, aucun économiste sérieux n’emploie plus le mot « bulle ». L’or n’est pas cher ; c’est la monnaie qui s’est dévaluée.
Recomposition silencieuse du capital
Dans cette recomposition silencieuse du capital, les investisseurs privés se réorganisent. Le court terme se vide de ses spéculateurs, les patrimoines se recentrent sur le physique, et les grandes banques centrales asiatiques (Chine, Inde, Corée du Sud) envisagent des achats supplémentaires à moyen et long terme, leurs premiers depuis 2013 pour Séoul. L’or devient moins un pari qu’une infrastructure monétaire parallèle. Sa fonction n’est plus défensive : elle est systémique.
Un métal fort malgré la consolidation
Le marché a tenu, les fondamentaux aussi. Nous sommes entrés dans une phase où la stabilité vaut hausse. Un métal qui consolide à 4 000 dollars après deux années de rally reste un métal fort. Les prévisions à 5 000 dollars l’once ne sont pas des promesses, mais le reflet d’un consensus : le monde ne désendette plus, il s’adapte. Et dans cet équilibre instable, l’or n’est pas un refuge, il est le centre de gravité.
Vocabulaire de lecture
CPI (Consumer Price Index)
Principal indicateur de l’inflation américaine. Quand il progresse, les marchés anticipent des taux plus élevés, ce qui renforce le dollar et pèse temporairement sur l’or.
Effet de levier
Recours à l’endettement pour amplifier les gains d’un investissement. Lors d’un retournement, ces positions sont liquidées en masse, accentuant la baisse.
Support
Seuil de prix clé où la demande devient suffisante pour stopper une baisse. Sa rupture déclenche souvent des ventes automatiques.
Cambistes
Opérateurs spécialisés dans les devises dont les mouvements influencent directement le prix de l’or coté en dollars.
Vente automatique / liquidation technique
Exécution d’ordres préprogrammés lorsque certains niveaux de prix sont atteints, amplifiant les variations.
Zone d’accumulation
Période de stabilisation pendant laquelle les investisseurs de long terme renforcent leurs positions.
Banques centrales
Institutions monétaires nationales (BCE, Fed, PBOC, etc.) qui détiennent de l’or pour garantir la crédibilité de leur devise.
LBMA (London Bullion Market Association)
L’une des principales instances mondiale du commerce des métaux précieux destiné aux institutions financières.
WGC (World Gold Council)
Organisme professionnel qui mesure la production et la demande mondiale d’or.
Tonne
Unité de référence pour les transactions institutionnelles (1 tonne = 32 150 onces).
Correction technique
Repli temporaire après une forte hausse, permettant au marché de se stabiliser sans inversion de tendance.