Gold & Silver Company, Novembre 2025
En l’espace de trente jours, l’once d’or exprimée en euros a parcouru une séquence qui dit plus sur l’état du monde que sur le métal lui-même. Après avoir atteint 3 740 € l’once, elle s’est repliée vers 3 386 €, avant de se stabiliser autour de 3 511 €. Cette respiration n’est ni un retournement ni un affaiblissement : elle traduit l’hésitation d’un marché mondial privé de repères, tandis que l’or matière tangible reste lisible.
Aux États-Unis, plusieurs responsables de la Réserve fédérale ont adopté un ton plus restrictif cette semaine, ce qui a fait chuter l’or de plus de 3 % dans la séance de vendredi, selon Reuters. Le marché, qui évaluait encore récemment une baisse de taux en décembre, a revu ses anticipations : la probabilité d’un assouplissement est passée d’environ 64 % à 53 %, puis proche de 50 % selon les données du CME FedWatch.
Dans le même temps, le pays émerge tout juste du plus long shutdown de son histoire (43 jours) — une paralysie qui a entraîné la perte définitive d’une partie des données économiques, notamment certains éléments du CPI d’octobre, collectés manuellement. Les analystes américains parlent désormais d’un “marché en aveugle” : sans données fiables, la Fed comme les investisseurs naviguent à vue.
Cette absence de repères fait précisément la différence : dans le brouillard statistique, l’or reste une lecture cohérente. L’ajustement de la semaine — ventes automatiques, appels de marge, effet “risk-off” global — n’a rien changé au socle du marché. Comme l’a rappelé un analyste dans une note relayée par Reuters, « lorsque les marchés liquident pour libérer des marges, même l’or est vendu ». Ce n’est pas la matière qui recule ; c’est la liquidité qui s’ajuste.
En Europe, la situation est différente, mais tout aussi révélatrice. Les dernières projections du FMI situent la croissance de la zone euro autour de 1,2 %, avec des dettes publiques élevées : la France dépasse les 110 % du PIB, l’Italie avoisine les 135 %, la Belgique s’établit autour de 106 %. À cela s’ajoute la préparation de l’euro numérique pour 2026, qui interroge une partie des épargnants sur la confidentialité et la gouvernance monétaire. Dans un continent où les règles se densifient et où la pression fiscale est ressentie plus fortement qu’ailleurs, le métal physique redevient une zone de stabilité, un espace déconnecté du numérique, du fiscal et du politique.
L’Asie, elle, continue d’accumuler. En Inde, la demande joaillière a progressé de 7 % au troisième trimestre selon le World Gold Council. En Chine, la Banque centrale n’a pas revendu un gramme d’or depuis près d’une décennie et poursuit ses achats réguliers. La Corée du Sud a annoncé ses premiers achats institutionnels depuis 2013. Le Japon, affaibli par un yen structurellement bas, voit ses particuliers revenir vers l’or comme instrument de protection. L’Asie n’observe pas : elle consolide.
Les banques centrales restent, de loin, le moteur le plus stable du marché mondial. Selon les données du World Gold Council, elles ont acquis 220 tonnes au troisième trimestre et 634 tonnes sur les neuf premiers mois de l’année, confirmant une projection annuelle comprise entre 750 et 900 tonnes — une dynamique ininterrompue depuis trois ans. Plusieurs analystes, cités par Reuters, rappellent que les banques centrales sont désormais « le pilier le plus fiable de la demande mondiale d’or ». Dans cette réalité institutionnelle, le métal ne suit pas un cycle financier : il suit un mouvement souverain.
Cette toile de fond éclaire les prévisions. Lors de la conférence annuelle de la LBMA, les délégués ont avancé une cible médiane autour de 4 980 $/oz à douze mois. De grandes banques internationales — HSBC, Bank of America, Société Générale, Goldman Sachs, JP Morgan Private Bank — projettent toutes un scénario autour de 5 000 $/oz à l’horizon 2026, certaines allant au-delà. Le cabinet Metals Focus anticipe de son côté un prix de 60 $/oz pour l’argent en 2026. Ces anticipations ne sont pas des paris : elles reflètent un monde où la dette mondiale, selon le FMI, se dirige vers 100 % du PIB planétaire, où les données économiques deviennent moins prévisibles et où la fragmentation géopolitique accélère.
Les turbulences de novembre ne racontent donc pas une faiblesse : elles racontent un repositionnement. La demande asiatique s’est faite discrète dans la volatilité, mais n’a pas reculé. Les volumes européens sont restés stables. Les banques centrales ont continué à acheter. Le dollar a joué son rôle de contrepoids technique ; les liquidations automatiques ont amplifié le mouvement. Le fond, lui, n’a pas bougé.
Dans un mois où les repères se sont effacés : données manquantes, marchés nerveux, décisions suspendues… L’or n’a pas cherché une direction. Il a conservé la sienne. Et c’est peut-être cela, la véritable information : dans un monde où les indicateurs se brouillent, où les monnaies se transforment et où les dettes progressent plus vite que la croissance, le métal précieux demeure un point fixe. Il ne dépend pas de décisions réversibles. Il ne repose pas sur des anticipations fragiles. Il est un repère, dans un moment où les repères manquent.
Le métal précieux peut occuper une place dans une stratégie patrimoniale fondée sur la diversification, la tangibilité et la continuité. Gold & Silver Company rappelle qu’aucune matière, y compris l’or ou l’argent, ne constitue une solution universelle : chaque situation patrimoniale est unique et dépend d’objectifs personnels, de contraintes fiscales et de la tolérance au risque. La Maison invite chaque lecteur à envisager toute décision avec mesure, discernement et, lorsque nécessaire, l’avis de son conseiller Gold And Silver Company.
Vocabulaire
- Once troy : unité internationale de mesure de l’or (1 once = 31,1035 g).
- Cours spot : prix immédiat du métal sur les marchés mondiaux.
- Volatilité : amplitude des variations du prix.
- Banques centrales : institutions monétaires nationales qui détiennent de l’or comme garantie de stabilité.
- Prise de bénéfices : ventes réalisées après une hausse afin de sécuriser les gains.
- Dollar fort / faible : influence du dollar sur le prix de l’or.
- Shutdown américain : paralysie temporaire de l’administration fédérale empêchant la publication de données économiques.
- Euro numérique : future version digitale de l’euro émise par la BCE.
- Zone d’accumulation : période où les investisseurs renforcent leurs positions après une stabilisation.
- Correction technique : repli ponctuel n’invalidant pas la tendance de fond.
- Tonne d’or : unité utilisée par les banques centrales (1 tonne = 32 150 onces).