Analyse d’une dynamique structurelle, pas d’un pic de bulle
L’erreur d’interprétation que commettent de nombreux investisseurs
À chaque envolée du cours de l’or, une même question revient : est-ce qu’il est trop tard pour entrer ? Beaucoup, en voyant les sommets atteints récemment, concluent que le train est passé. Pourtant, cette lecture est non seulement erronée, mais dangereuse pour qui cherche à protéger son patrimoine sur le long terme. L’or ne connaît pas de bulle. Il connaît des réajustements. Et celui que nous vivons en 2025 est tout sauf un emballement irrationnel. C’est un réalignement monétaire fondamental.
Le , l’or a brièvement franchi les 138 000 euros le kilo, réagissant instantanément à la dernière annonce de la Réserve fédérale américaine. Cette envolée éclair, bien que suivie d’un retour autour de 100 900 euros cette semaine, n’a rien d’un sommet de panique. Elle incarne au contraire la sensibilité extrême du marché à toute perception d’instabilité monétaire. En clair, les investisseurs n’ont pas fui dans l’or par peur. Ils y sont revenus avec méthode et conviction.
Une progression historique qui ne ressemble pas à une bulle
Depuis le début de l’année, l’or affiche une progression de près de 40 %, signant ainsi sa meilleure performance annuelle depuis 1979. Contrairement aux précédents pics, aucun signe d’euphorie. Pas de ruée des particuliers, pas d’explosion des volumes sur les ETF. Seulement un réajustement calme, discret, puissant.
Ce comportement calme des marchés témoigne d’une réévaluation structurelle du rôle de l’or. Il n’est plus perçu comme un refuge temporaire. Il est réintégré, méthodiquement, comme actif stratégique de long terme. La Société Générale a récemment porté son allocation à 10 % dans ses portefeuilles multi-actifs. Ray Dalio continue de recommander une pondération permanente de 10 % dans les allocations équilibrées. Chez Morgan Stanley, Mike Wilson propose un modèle 60/20/20 répartissant équitablement actions, obligations et or. L’or n’est plus un actif annexe. Il est désormais une base.
L’inquiétante dérive des fondamentaux monétaires
Ce rééquilibrage ne vient pas de nulle part. Il est la conséquence directe d’un monde saturé de dettes. Aux États-Unis, le déficit fédéral a bondi de 2 000 milliards de dollars cette année, portant la dette publique à plus de 37 000 milliards. Au niveau mondial, la dette totale a dépassé les 315 000 milliards de dollars, soit plus de 330 % du PIB mondial. Ces chiffres ne sont plus des anomalies, mais une norme inquiétante.
Dans le même temps, les grandes devises perdent progressivement leur statut de repère stable. Le dollar est attaqué sur plusieurs fronts : inflation importée, déficit chronique, tensions géopolitiques, et incertitudes politiques liées à la présidentielle 2026. L’euro, de son côté, souffre de sa dépendance énergétique, de sa rigidité institutionnelle et d’une croissance atone. Dans ce contexte, l’or apparaît de plus en plus comme une monnaie alternative, rare, apolitique et incorruptible.
Le 19 septembre, lorsque la Fed a confirmé une posture monétaire plus souple qu’anticipée, l’or a immédiatement bondi à 138 000 €/kg, et l’argent à 1 580 €/kg. Cette réaction est significative : les marchés ne cherchent plus la croissance. Ils cherchent la stabilité. Et l’or, aujourd’hui, est perçu comme le seul actif capable de la garantir.
Un potentiel encore largement sous-estimé
Malgré la hausse spectaculaire de l’or, les flux vers les ETF adossés à du métal physique restent inférieurs de 20 % à leur pic de 2020. Les données du World Gold Council montrent que les réserves mondiales en or ne représentent que 2 % des actifs financiers globaux. Ce sous-investissement structurel révèle une chose : le potentiel haussier n’est pas épuisé. Il ne fait que commencer.
Dans un monde en perte de repères, les grands investisseurs ne cherchent pas à spéculer. Ils cherchent à préserver. Et l’or devient l’outil de cette stratégie de long terme. Chaque correction est perçue comme une opportunité. Chaque repli vers 130 000 € le kilo attire les flux. Et plus les banques centrales cherchent à rassurer, plus les marchés comprennent qu’elles ne contrôlent plus grand-chose.
Vers une nouvelle définition de la prudence
Il faut ici changer de grille de lecture. Investir dans l’or n’est plus un acte de défiance. C’est un acte de lucidité. Ce n’est pas se protéger contre la fin du système, mais contre ses dérives prévisibles. Ce n’est pas fuir le risque, c’est refuser l’aveuglement.
Ce que 2025 nous montre, c’est que l’or a repris sa place. Une place qu’il n’aurait jamais dû perdre : celle d’un actif de référence, insensible aux effets de mode, indépendant des politiques monétaires, et fondamentalement lié à la réalité.
Ceux qui attendent le “moment idéal” risquent de le voir disparaître dans le rétroviseur. Car l’or n’est pas en haut d’une bulle. Il est au début d’un cycle. Il n’est pas trop cher. Il est simplement devenu essentiel.
Vocabulaire utile et définitions
- Ounce (oz)
- Unité de mesure internationale pour les métaux précieux (1 oz = 31,1035 grammes).
- Kilo (kg)
- En Europe, le prix des métaux précieux est souvent affiché au kilogramme (1 kg = 32,15 oz).
- ETF
- Fonds indiciel coté en bourse, adossé à des actifs physiques comme l’or ou l’argent.
- Fed (Federal Reserve)
- Banque centrale américaine, responsable de la politique monétaire des États-Unis.
- Taux directeur
- Taux fixé par les banques centrales, influençant le coût du crédit.
- Déficit budgétaire
- Écart entre les dépenses et les recettes d’un État.
- Dette souveraine
- Total cumulé des emprunts contractés par un État.
- Monnaie fiduciaire
- Monnaie sans valeur intrinsèque (comme l’euro ou le dollar), dont la valeur repose sur la confiance.
- Assouplissement monétaire (“easing”)
- Politique de baisse des taux ou d’injection de liquidités pour stimuler l’économie.
- Actif tangible
- Actif réel et physique, par opposition aux actifs financiers abstraits.